segunda-feira, 26 de setembro de 2011


Chouette la rentrée !

Carte blanche de Frank Andriat, écrivain et professeur à l’athénée communal Fernand Blum de Schaerbeek depuis 1980. Auteur de « Vocation prof « (Labor éducation/Érasme) et de nombreux romans pour adolescents chez Mijade et Grasset-Jeunesse ainsi que de plusieurs livres avec ses élèves.

Chouette, la rentrée ! Je vais retrouver mes collègues et mes élèves, les parents et ma direction, renouer avec les sourires, les regards échangés, les conversations, les partages. Je vais découvrir de nouvelles classes, de nouveaux visages, des atmosphères inédites à devoir gérer le mieux possible.

Chouette, la rentrée ! Je vais me retrouver devant des groupes d’ados avec qui je vais pouvoir partager ma passion de la littérature, de la langue française, de l’écriture. Et, avec eux, je vais pouvoir rêver à de nouveaux projets, à des savoirs à transmettre, à des objectifs à atteindre.

Chouette, la rentrée ! Je vais à nouveau me confronter au réel, à ce que mes élèves savent et ne savent pas, à leurs faiblesses, à leurs forces, à leur créativité, à leur courage et à leurs coups de blues. Chouette, chouette, j’adore mon métier d’artisan pour qui chaque rentrée est une nouvelle découverte de tous les possibles, j’adore mon métier humain qui va à la rencontre d’autres humains, j’adore mon métier de passeur de sens et de lumière qui, c’est vrai, une fois oubliés les pédagogues et les réformes, demeure «le plus beau métier du monde».

Les premiers jours sont importants

Chouette, la rentrée ! C’est ma trente et unième rentrée des classes depuis le début de ma carrière de professeur. C’est la trente et unième fois qu’une excitation joyeuse me remplit à l’idée des nouveaux défis que mes élèves et moi relèverons ensemble au cours de l’année. Les premiers jours sont importants : ce sont ceux où la relation se crée, où une confiance réciproque s’installe, où l’on se dit que nous avons besoin les uns des autres pour avancer et pour partager, avec humanité, nos différences. Un métier d’artisan, «loin des beaux discours, des grandes théories», comme le chante Jean-Jacques Goldman.

Mais voilà ! Mais hélas ! Dans leurs bureaux, certains, férus de statistique, de logistique, de politique, de pédagogique et d’autres maladies en -ique me donnent la colique. Que vont-ils inventer, cette année, pour m’empêcher d’exercer heureusement mon boulot ? Que vont-ils réformer pour mettre des bâtons dans les roues des écoles ? Que vont-ils modifier pour que, sur le terrain, la vie devienne moins facile, moins pratique ? Que vont-ils trouver pour tenter de me dégoûter d’un métier que j’aime tant ?

Au fil des ans et des réformes, j’ai de plus en plus l’impression que le plus beau métier du monde devient le plus beau merdier du monde. Les ados n’y sont pour rien; ils sont chouettes, les ados, fatigants parfois, mais porteurs d’enthousiasme quand ils vont au meilleur d’eux-mêmes. Libres, comme je l’étais avant quand je rentrais dans mes classes, quand l’institution me faisait confiance, qu’elle me demandait de gérer mes élèves le mieux possible, de leur transmettre des savoirs clairs et de former leur personnalité et leur caractère. À chaque groupe, ses méthodes, à chaque classe, son parfum et, moi, l’artisan, je faisais de mon mieux pour mener chacun, avec rigueur et humanité, vers un plus, vers un mieux, vers la fierté, vers un sourire.

Mais voilà ! Mais hélas ! Aujourd’hui, au fil des ans et des réformes, j’ai perdu ma liberté de prof. Je ne suis plus reconnu comme un acteur de mon métier; de sujet, je suis devenu un objet dépouillé de ses attributs ! Les pédagogues et ceux qui sont chargés de mettre en place leurs idées sans pétrole me disent comment je dois travailler, en séquences, par compétences, en appétence, comment je dois évaluer, comment je dois penser. Tout est si beau sur le papier, tout est si parfait dans les discours ! Grâce à la pédagogie nouvelle, je vais apprendre à apprendre à des apprenants qui n’apprennent plus rien. Et peu importe si vous n’avez pas compris ce que je dois apprendre à comprendre.

Changer la vie !

Chouette, la rentrée ! Merci, Monsieur Hessel, de me demander de m’indigner, merci de me rappeler à mes devoirs de professeur. Je respecte mes élèves et les respecter, c’est refuser qu’ils deviennent les cobayes d’apprentis-sorciers qui, sans jamais avoir donné une heure de cours, m’imposent de suivre leur saint courant ! D’autant plus que, comme l’a dit mon préfet, Patrick Tisaun, dans son discours de fin d’année, «leurs pratiques ne sont pas pratiques du tout».

Chouette, la rentrée ! Pendant les vacances, j’ai préparé de belles séquences et je développerai des compétences. Sans oublier pourtant, sans oublier jamais que, malgré le corset pédagogique qui m’étouffe, malgré l’ineptie de certains décrets qui abîment l’école, je dois demeurer moi, avec ma liberté, avec mes exigences, avec le souci permanent de mener mes élèves vers le meilleur d’eux-mêmes, sans oublier jamais de résister, oui, Monsieur Hessel, de résister comme vous et les vôtres l’avez fait, contre les vents de la mode, sans oublier jamais de demeurer un simple professeur et, oui, Jean-Jacques, de faire tout mon possible pour, «à ma tâche, chaque jour», épanouir les jeunes qui me sont confiés et, peut-être, pourquoi pas, un petit peu «changer la vie».1

http://www.enseignons.be/secondaire/

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